Damien Guermonprez, Président de Lemonway et de l’association Financement Participatif France.
La débâcle des places de marché de crypto-monnaies FTX et Celsius vient nous rappeler l’importance de construire un monde de la finance alternative qui protège les investisseurs contre ce type de déboires. Car si la finance alternative augmente considérablement les risques pris par les épargnants pouvant être entraînés (et ce malgré eux) dans des schémas de Ponzi ou dans l’explosion de bulles spéculatives, quel est le véritable intérêt de construire une finance « libérée » des banques centrales et des superviseurs ?
Il est important de se rappeler qu’en très peu de temps, le secteur financier a connu une véritable révolution. Le modèle traditionnel a été dépassé par la montée en flèche des fintechs et des néo-banques sur les différents marchés (en France comme à l’international). Face à cette mutation rapide, de nombreux Français ne savent plus à quel saint se vouer. Et c’est justement ici que l’intérêt de construire une finance qui les protège prend tout son sens ! Cela nous permet de mesurer le chemin parcouru par l’écosystème du financement participatif, construit à partir de briques régulées qui contribuent à créer de la confiance. Car on ne le répètera jamais assez : pour créer un marché financier (surtout alternatif), la confiance est la première pierre à mettre à l’édifice !
Le financement participatif, en raison de son activité, est soumis à une réglementation bancaire et financière stricte. Les plateformes sont tenues d’obtenir des statuts réglementés pour exercer leurs activités, et ce quel que soit leur modèle (collecte de dons, investissement en actions, prêt aux PME, aux promoteurs immobiliers, financement de projets d’énergie renouvelable, affacturage, etc). Cette réglementation européenne et son coût nous obligent à nous concentrer sur un seul métier et donc de s’adjoindre l’expertise de prestataires spécialistes pour le reste (KYC et paiement par exemple) car après tout… chacun son métier !
Dans un monde aussi réglementé, il est absolument incompréhensible d’apprendre que plusieurs plateformes d’échange de crypto aient utilisé les fonds de clients pour spéculer pour leur propre compte. Pour schématiser concrètement, la plateforme de crowdfunding ne collecte pas elle-même les fonds des épargnants mais fait appel à un prestataire externe, un établissement de paiement (PSP). Or, ce dernier a beau collecter les fonds, il ne peut pas s’en servir pour ses besoins propres car il est dans l’obligation de cantonner les sommes auprès d’une banque dès le lendemain de la collecte (J+1). Et ce dispositif fonctionne dans les deux sens : lors de la collecte mais aussi lors du remboursement des sommes investies.
Ce qui est idéal dans ce fonctionnement est que chaque maillon de la chaîne contrôle le suivant. Ainsi, la plateforme de crowdfunding est contrôlée par l’établissement de paiement – dont elle est agent – et ce dernier est contrôlé par la banque auprès de laquelle l’argent des épargnants est cantonné avant d’être crédité au porteur de projet. C’est le contrôle d’une même transaction par différents acteurs de la chaîne qui permet de minimiser les risques et ainsi d’éviter toute potentielle arnaque. Pour ce faire, de nombreuses bases de données sont consultées en temps réel avant de valider les transactions dans le but de lutter contre la fraude, le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent.
En plus d’être supervisée par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) mais aussi par l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution), l’entièreté de l’écosystème du financement participatif s’autorégule dans l’intérêt des adhérents respectueux d’une charte de déontologie exigeante de l’association Financement Participatif France (FPF) où le maître mot est « transparence ». En bref, le secteur du crowdfunding construit une finance alternative sur de solides bases. Les épargnants français ont d’ailleurs plébiscité ce marché en investissant près de €2M en 2021. Cette année encore, les acteurs du secteur visent une collecte en forte progression de +50% à €3 milliards rien qu’en France.